Incendie de Notre-Dame de Rouen : peut-on déjà parler d’acte anti-chrétien ?
Auteur : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours
Source : Compte Instagram, 11 juillet 2024
Un internaute affirme que l’incendie qui s’est déclenché le 11 juillet 2024 sur le chantier de réfection de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Rouen s’inscrit dans la longue lignée des “1000 actes anti-chrétiens ” recensés en 2023. Ces faits seraient plus nombreux que les actes “islamophobes ou antisémites” en France. Alarmiste, cet internaute fait de nombreuses contre-vérités.
La civilisation chrétienne attaquée à répétition, sans aucune réaction ? C’est le tableau dressé par un internaute, le 11 juillet 2024, dans une vidéo postée sur Instagram. Seulement quelques heures après l’incendie qui a endommagé le chantier de rénovation de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Rouen, l’internaute s’empresse de poster une vidéo sur les réseaux sociaux.
“Encore un acte anti-chrétien”, est-il inscrit en sous-titre de la vidéo. “Les autorités estiment qu’il pourrait s’agir d’une attaque religieuse.” S’ensuivent d’autres affirmations, indiquant que la civilisation chrétienne est en danger. “Je vous rappelle qu’en 2023 il y a eu plus de 1 000 actes anti-chrétiens, c’est beaucoup plus en comparaison des actes islamophobes ou antisémites”, soutient-il.
Alors, si l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Rouen a bien eu lieu, est-il lié à une recrudescence d’actes anti-chrétien ? Les Surligneurs se sont penchés sur ce dossier.
L’incendie de la cathédrale : une origine accidentelle plausible
Commençons par l’enquête sur l’origine de l’incendie. Interrogé sur le départ du feu, le cabinet du procureur de la République de Rouen nous indique que “la piste accidentelle est toujours privilégiée à ce stade”, confirmant l’hypothèse qu’il a déjà émise la semaine dernière.
La réponse n’est donc pas définitive, mais elle est diamétralement opposée aux allégations de notre internaute. Affirmer, comme il le fait, qu’il s’agit d’un acte anti-chrétien relève donc — et jusqu’à preuve du contraire — de la fabulation.
Intéressons-nous désormais aux chiffres avancés dans le post Instagram. Chaque année, les services statistiques du ministère de l’Intérieur partagent le nombre d’atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux recensés l’année précédente. En 2023, ont ainsi été comptabilisés “près de 15 000 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux sur l’ensemble du territoire français : 8 500 crimes ou délits et 6 400 contraventions”.
Le rapport de cette année ne rentre pas dans les détails concernant chacune des communautés religieuses, mais la porte-parole de la Place Beauvau, Camille Chaize, a communiqué sur les “atteintes anti-chrétiennes” le 26 mars 2024 aux micros de Radio chrétienne francophone. “En 2023, on a des chiffres sur des actes anti-chrétiens. Il y en a eu un peu moins de 1 000, et à 90 % ce sont des atteintes contre les biens : les cimetières, les églises. Mais il y a quand même 10 % de ces 1 000 atteintes, soit un peu moins d’une centaine, qui ont une réalité à l’encontre des personnes. Donc des atteintes aux personnes ou des insultes contre les personnes.”
Le chiffre avancé par notre internaute semble donc s’approcher de la réalité. Mais qu’en est-il de sa conclusion ? Les actes anti-chrétiens ont-elles une occurrence plus grande que celles des actes islamophobes et antisémites ?
Pas plus d’actes anti-chrétiens qu’antisémites
Difficile de répondre à cette question. Malgré nos efforts, nous n’avons trouvé aucun rapport détaillant le nombre d’actes antireligieux selon la confession des victimes. Seules données disponibles, les déclarations des personnalités publiques.
Concernant les actes antisémites, le Service de protection de la communauté Juive, en collaboration avec les services du ministère de l’Intérieur, a communiqué le nombre d’actes antisémites comptabilisés en 2023. Il s’élève à 1 676, le nombre ayant été multiplié par plus de trois comparées à 2022. Du côté des actes islamophobes, c’est le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui s’était exprimé sur le sujet, lors de son discours pour le lancement du 2ᵉ Forum de l’Islam de France (FORIF), le 26 février 2024. Il relatait 242 faits anti-musulmans en 2023, également en augmentation cette année, sans préciser s’il s’agit plutôt d’atteintes aux personnes ou aux biens.
Il est donc erroné de dire que les actes anti-chrétiens sont plus nombreux que ceux antisémites, bien qu’ils semblent plus fréquents que les actes islamophobes.
Des chiffres à prendre avec des pincettes
Pour autant, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Ils ne représentent pas la réalité des atteintes aux personnes et aux biens et sont très probablement largement sous-estimés.
Comme nous l’avons déjà raconté, les chiffres issus du ministère de l’Intérieur comportent une limite de taille : ils n’enregistrent que les infractions connues par les forces de sécurité. Il y a donc des actes antireligieux qui passent sous les radars des bilans du ministère.
Quoi qu’il en soit, il est certain que notre internaute a tiré des conclusions trop hâtives, pour qui prend le temps de vérifier assidûment les sources et les informations.
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