Gouvernement Barnier : Le Premier ministre est-il tenu de demander la confiance des députés ?

Crédit : David.Monniaux (CC 3.0)
Création : 22 septembre 2024
Dernière modification : 24 septembre 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Alexandra Maubec, étudiante en LLCER à la Sorbonne Nouvelle

 

Si le texte de la Constitution semble imposer une déclaration de politique générale avec engagement de la responsabilité du gouvernement, depuis Pompidou, des premiers ministres se sont affranchis de cette obligation, qui d’ailleurs est bien imprécise.

Suite à l’annonce de la composition du gouvernement Barnier, mettant ainsi fin à la période record de 68 jours durant laquelle le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a expédié les affaires courantes, une nouvelle question se pose.

Le Premier ministre Michel Barnier doit-il se soumettre à un vote de confiance des députés ? Elisabeth Borne et Gabriel Attal s’y étaient soustraits, mais est-ce obligatoire ?

Que dit la Constitution ?

Le premier alinéa de l’article 49 de la Constitution prévoit que “le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement”, sur son programme à l’issue d’une déclaration de politique générale. Cette déclaration est alors suivie d’un vote dit “de confiance”.

Que disent ceux en charge de l’appliquer ?

Alors même que ce texte est rédigé au présent, ce qui en droit signifie impératif, très tôt, les premiers ministres ont estimé qu’ils n’étaient pas obligés d’engager leur responsabilité lors de leur entrée en fonction.

Dès 1966, Georges Pompidou affirmait que le gouvernement est “entièrement libre de demander ou non un vote de confiance”. Suivant cette interprétation, les premiers ministres à la tête d’une majorité relative à l’Assemblée nationale (Michel Rocard, Édith Cresson, Pierre Bérégovoy entre 1988 et 1993) se sont abstenus d’engager leur responsabilité. Élisabeth Borne et Gabriel Attal ont fait de même.

Cette interprétation de l’article 49 alinéa 1 est confortée par ce qu’on appelle les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, c’est-à-dire les différents projets et les notes qui les ont accompagnés.

Que disent les constitutionnalistes ?

En conséquence, la majorité des constitutionnalistes considère que le Premier ministre n’est, en définitive, pas obligé d’engager la responsabilité de son gouvernement, d’autant que l’article en question ne mentionne aucune période précise durant laquelle il devrait le faire. Est-ce au début de sa mission, plus tard, à la fin, périodiquement ? Ce n’est pas précisé.

On notera toutefois qu’une minorité de constitutionnalistes retiennent une interprétation stricte de l’article 49 alinéa 1, avec pour argument qu’il ne faut pas confondre le texte et la pratique politique. C’est un peu comme si on considérait qu’une limite de vitesse ne s’applique pas parce que tout le monde l’enfreint.

Et même si l’engagement de la responsabilité était obligatoire, quelle sanction ?

Reste que même en retenant cette interprétation, l’article 49 alinéa 1 ne prévoit aucune sanction pour non-respect de cette obligation. À une nuance près, qui est importante.

S’ils estiment que le Premier ministre aurait dû engager la responsabilité de son gouvernement, les députés sont fondés de prendre eux-mêmes l’initiative d’engager cette responsabilité en déposant une motion de censure (article 49 alinéa 2 de la Constitution). La sanction sera alors politique.

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