Arrêtez d’arrêter n’importe quoi !

Création : 2 avril 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

TRIBUNE – Vous les maires êtes un rouage essentiel dans la lutte contre l’épidémie, c’est – enfin – reconnu, mais de grâce arrêtez de prendre des arrêtés portant tout et n’importe quoi ! L’arrêté municipal de police est un acte juridique, normatif, portant atteinte aux libertés, et pas un coup de colère ou un conseil à la population. Il obéit à certaines règles.

Première règle, l’arrêté ne doit pas limiter les libertés plus que de besoin. On pense à cet arrêté de Sanary-sur-Mer limitant à 200 puis 10 mètres les sorties hors de chez soi, retiré ensuite en catastrophe par arrêté 31 mars. Voyez aussi cet arrêté du maire des Sables d’Olonne interdisant de rejoindre sa résidence secondaire, alors que de toute façon le confinement instauré par décret suffit à rendre cela impossible. C’est une atteinte au droit de propriété, inutile qui plus est. Il en va de même de tous ces couvre-feux instaurés comme à Lisieux, sans que cela soit nécessaire vu que le confinement est en vigueur, et qu’il faut des circonstances exceptionnelles locales pour que cela soit justifié.

Deuxième règle, il faut respecter le rôle des autres instances. Si le maire dispose d’un pouvoir de police générale, c’est le préfet, sur habilitation du gouvernement, qui est chargé de gérer localement la crise par son pouvoir de police spéciale. Le maire peut apporter des réponses plus sévères en complément, ce qu’il fait généralement à l’égard des personnes vulnérables, en publiant des arrêtés de confinement complémentaires. Il peut aussi repérer les commerces et autres lieux où les règles de d’hygiène ne sont pas suffisamment respectées et les fermer par arrêté municipal (ce qui a d’ailleurs été fait à Sanary-sur-Mer). Tout cela est en œuvre et fonctionne en symbiose avec les mesures prises au niveau national.

Troisième règle, l’intelligibilité. On évitera les arrêtés prescrivant des « achats regroupés » et ajoutant : « aucun achat à l’unité, tel que le pain ou le journal, n’est toléré ». Cet arrêté du maire de Sanary-sur-Maire là encore, rend perplexe : faut-il regrouper l’achat des journaux le vendredi tout en allant chercher le poisson et le pain pour la semaine ? C’est la promesse de nouvelles pas fraîches et de pain sec… Et surtout, bien des personnes n’ont ni les moyens ni l’espace chez elles pour des achats groupés. On comprend bien l’intention du maire, mais l’arrêté était en l’occurrence une aberration, et il a d’ailleurs aussi été retiré  (par l’arrêté n° 2020-671).

On s’arrêtera enfin à une quatrième règle même s’il y en a bien d’autres : un arrêté de police est forcément normatif et ne doit comporter que des prescriptions obligatoires. Or on voit fleurir les arrêtés portant conseils, appels au civisme, et même des appels à tousser dans son coude… Si les rappels à la loi et les conseils entrent bien dans le rôle d’un maire, cela ne peut s’effectuer à travers un article d’arrêté de police.

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