Agnès Pannier-Runacher : le gouvernement sous la présidence de François Hollande a été “condamné pour ne pas avoir respecté sa trajectoire climatique”

Création : 3 juin 2022
Dernière modification : 24 juin 2022

Auteur : Vincent Couronne, docteur en droit public, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay

Source : France info, le 2 juin 2022

Dans une décision du 1er juillet 2021, le Conseil d’État a condamné l’État pour inaction climatique. Mais il visait à la fois le gouvernement lorsque François Hollande était président pour ne pas avoir prévu les mécanismes suffisants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030, mais aussi le gouvernement pendant la présidence d’Emmanuel Macron pour ne pas avoir rectifié la trajectoire.

Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle ministre de la Transition énergétique, a déclaré que le gouvernement Hollande avait été “condamné (par le Conseil d’Etat) pour ne pas avoir respecté sa trajectoire climatique”. Mais ce qu’elle oublie de dire, c’est que le gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron aussi.

Depuis qu’elle a été nommée ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher doit se défendre face à l’opposition qui l’accuse d’être trop “techno” et qui attend des preuves de son engagement écologique. Pour se défendre, elle tient à rappeler à l’opposition de gauche que c’est un gouvernement socialiste qui a été condamné pour inaction climatique.

La justice a été saisie de l’inaction climatique sous la présidence Hollande

Si la meilleure défense, c’est l’attaque, encore faut-il viser juste. Et ici, la ministre, qui était déjà ministre dans l’ancien gouvernement sous François Hollande, a oublié un détail : c’est que le gouvernement auquel elle appartenait sous Emmanuel Macron a lui aussi été condamné.

Petit retour en arrière : en 2018, la commune de Grande Synthe et des associations environnementales comme Greenpeace ou Notre Affaire à tous, saisissent le Conseil d’État afin de faire condamner l’État, pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour réduire de 40 % d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre.

En 2019, le Conseil d’État a répondu et considéré que le gouvernement précédent, sous la présidence de François Hollande, n’avait pas pris les mesures nécessaires. Sur ce point, Agnès Pannier-Runacher a donc raison.

Le même Conseil d’Etat a donc donné trois mois au gouvernement d’Edouard Philippe pour prendre des mesures permettant de redresser la barre (c’est-à-dire en faisant voter des lois et en prenant des décrets plus restrictifs en matière de respect de l’Accord de Paris).

La justice a aussi condamné l’inaction de la présidence d’Emmanuel Macron

Mais trois mois plus tard, rien. Le gouvernement n’a pas fait ce qu’il fallait pour assurer aux juges qu’il allait respecter l’Accord de Paris sur le climat.

Et en juillet 2021, le Conseil d’État a donc tiré les conséquences logiques de l’inaction de l’État : certes, sous François Hollande, l’État n’a pas fait le nécessaire pour prévoir une trajectoire de réduction des émissions de CO2, mais son successeur, Emmanuel Macron, n’a pas pour autant corrigé le tir, alors que le Conseil d’État le lui demandait.

L’État a donc été condamné pour ne pas avoir respecté l’Accord de Paris sur le climat ni la loi européenne qui imposent au gouvernement de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 d’ici à 2030.

La nouvelle loi climat ne devrait pas permettre d’atteindre les objectifs

Il y a bien désormais la loi climat et résilience, adoptée en 2021. Cette loi reprend une partie des solutions proposées par la Convention citoyenne pour le climat. Mais aussi bien l’étude d’impact de la loi que le Conseil national de la transition écologique considèrent de toute façon qu’elle ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 40 % d’ici à 2030. Encore raté.Et ce d’autant plus que l’Union européenne a désormais rehaussé cet objectif à 55 %, et même à 100 % d’ici 2050 pour atteindre la neutralité carbone. On en est donc encore loin du but, et le Conseil d’Etat pourrait bien de nouveau condamner l’Etat, et donc un gouvernement sous présidence Macron En droit, le juge ne condamne pas “un gouvernement” : il condamne l’Etat pour inaction, peu importe le gouvernement en place.

Contactée, Agnès Pannier-Runacher n’a pas répondu à nos sollicitations. 

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